Une biographie

le Collectif

À l’intérieur du cadre qu’est l’image et dans l’instant qu’est la représentation, les créations du Collectif MxM tentent de révéler un fragment de cet hors-champ bien plus vaste que soi, que ce que l’on perçoit. Des gouvernances médiatiques et économiques au pouvoir personnel, du monde du travail à la famille et ses secrets, de l’événement à son impact sur les corps, MxM aborde l’être : de quelle manière nos héritages affectifs, nos états intérieurs, influencent-ils notre relation à l’autre, à ce qui nous entoure ? Quelle part d’intimité contient la fiction ? Et l’intime, est-il fiction ? Leur recherche collective porte sur l’usage des nouvelles technologies comme outils narratifs et place l’écriture théâtrale au cœur d’un dispositif cinématographique en temps réel et à vue. Les temporalités s’y entrelacent dans la réalisation d’un film éphémère : le théâtre remettant « au participe présent » les images infinitives du cinéma, la dramaturgie s’inscrit alors dans cet interstice tendu entre ce qui se joue et ce qui est filmé. Ce méta-théâtre qui s’élabore lors même de la représentation, incertain et inachevé, est un théâtre qui regarde autant qu’il est regardé. 

Depuis 2000, le Collectif MxM – impulsé par le metteur en scène Cyril Teste, le créateur lumière Julien Boizard et le compositeur Nihil Bordures – se constitue en noyau modulable d’artistes et de techniciens, réunis par un même désir de rechercher, créer et transmettre ensemble ; de questionner l’individu simultanément en tant que spectateur du réel, de la représentation et de la fiction. Chez MxM, du bureau au plateau, chacun, en autonomie et en interaction étroite avec l’autre, est co-auteur de la création. Une écriture collective que Cyril Teste projette et coordonne en grammaire commune. Le Collectif a signé à ce jour une trentaine de créations, performances filmiques, satellites (pièces sonores, installations, concerts, clips, court-métrages) et développe le laboratoire nomade d’arts scéniques, réseau de transmission transdisciplinaire. 

dramaturgies plurielles

Cyril Teste puise dans la littérature dramatique d’hier et d’aujourd’hui le matériau d’un théâtre contemporain. Lorsque le Collectif naît, il rencontre l’écriture-plastique de Patrick Bouvet, expérience littéraire et physique dynamitant le pilonnage médiatique avec Shot/Direct, Paradiscount et (F)lux. À la critique sociale indifférenciée succède l’intime, le “je” et le “nous” avec la découverte déterminante de l’écriture de Falk Richter et Electronic City. Cyril Teste et l’auteur allemand partagent la vision d’un théâtre de l’immédiateté, politique dans le processus, la forme et les thèmes : en tension, les langages scéniques se mêlent pour questionner la société électronique, la virtualisation du réel et la dépersonnalisation. Resserrant le faisceau poétique, surgit alors l’enfant qui rêve encore, la mémoire et la perte des êtres et repères : Cyril Teste écrit le diptyque sur l’enfance Reset et Sun, tel un auteur-vidéaste dont les mots incomplets appellent l’image. Comme une suite naturelle, MxM crée après cela Tête Haute, une fantasmagorie encrée pour le public jeune, écrite avec la plume complice de Joël Jouanneau. En 2013, MxM renoue avec le verbe lucide de Falk Richter : Cyril Teste, auquel l’auteur confie la liberté de s’emparer de son œuvre à sa façon, désosse, recompose et constitue Nobody, partition pour une première performance filmique, entre documentaire et fiction sur les dérives managériales et la déshumanisation au travail. Comment (sur)vit-on affectivement quand il y a “crise” ? Comment fait-on avec la peur, la surveillance et la méfiance ? Pour saisir ces questions sociétales vitales MxM s’empare également des regards aiguisés des auteurs Frédéric Vossier, Sylvain Levey, Olivia Rosenthal et Jérôme Game. Avec Festen de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov, le Collectif rapproche la focale sur la sphère domestique. Dès lors, il s’agit moins d’observer les mécanismes de domination extérieurs que les gouvernances intérieures, organiques et psychiques, avec lesquelles chaque être est aux prises. En prolongement de ce geste, l’opéra Hamlet d’Ambroise Thomas sur un livret de Michel Carré et Jules Barbier, puis Opening night d’après le scénario de John Cassavettes et l’adaptation de La Mouette d’Anton Tchekhov dans la traduction d’Olivier Cadiot, accentuent – de par leurs dramaturgies même – le trouble entre le réel et sa bascule fictive.

Autour des créations gravitent des satellites, territoires d’expérimentations ré-créatives que chaque membre explore en compagnie d’autres artistes et dans divers lieux : installations sonores (Confidences de Nihil Bordures) et interactives (Visual Exformation de Cyril Teste, Ramy Fischler et Jesper Nordin), vidéoclip (Venus in furs de Dead Hippies et Eaux sombres d’Émilie Loizeau), poésie électroacoustique (Diario Utópico (Fabuler, Dit-il) avec Motus & Jérôme Game), mix live act techno-théâtral (Ciel de traîne de Nihil Bordures) et installation immersive (Eden de Cyril Teste et Hugo Arcier)..

hors-champ

Pour construire une image, il faut avant toute chose construire autour ce qui ne se voit pas : son hors-champ. Constituant à la fois le cadre et la marge de l’image, le hors-champ est, selon MxM, politique en soi lorsqu’il s’agit de déceler dans le paysage médiatique, la fabrique de nouvelles fictions à l’œuvre, aujourd’hui « où tout est fiction ». Dans le travail de MxM, l’image est un espace-temps fictif en réaction avec le réalisme du plateau, une mise en perspective de l’action et son possible revers. Mais la notion de hors-champ n’est pas réductible à l’image : la diffusion olfactive, l’intégration des éléments naturels dans le traitement scénographique et le glissement progressif du plan séquence couleur à des plans serrés en noir et blanc contribuent à l’interpénétration du champ et de son hors-champ. Plus récemment, le temps diffracté des premières pièces du Collectif s’est étiré en une immersion dans la mémoire et témoigne du hors-champ – conscient ou non – d’une histoire qui, bien plus vaste que nous, nous précède et nous succèdera. 

images et nouvelles technologies

Dans le temps de la représentation, la fiction est interprétée, captée, manipulée et projetée. Texte, vidéo, musique, robotique et numérique, chaque langue “incomplète” isolément prend sens dans une grammaire commune et synchrone. La scénographie sonore – voix et musique mixés en live et en continu – agit tel un liant, une onde sensitive minimaliste. Du numérique, MxM fabrique de l’organique et, s’il manie les technologies en direct, c’est pour écrire en interaction intuitive avec les acteurs, fabriquer des aires d’accidents, redonner une dimension poétique à l’image. Le Collectif invente et perfectionne les outils, logiciels et matériels, qui servent leur propos créatif. Le tapis roulant d’Electronic City, le monolithe et le ballon-robot de Reset, l’araignée programmée de Sun, les univers graphiques manipulés en temps réel de Tête Haute, les caméras HF utilisées pour les performances filmiques, la réalité virtuelle convoquée dans Eden sont issus de laboratoires de recherche et développement. Une inventivité au cœur du processus de création et au service du plateau qui mène notamment MxM à collaborer depuis Festen avec le parfumeur Francis Kurkdjian pour des créations olfactives originales diffusées en salle. 

performance filmique

Les recherches de MxM sur la grammaire commune du théâtre et de l’image, sur la fictionnalisation du réel, ont mené vers une convergence du processus, de la forme et du sujet : la performance filmique, une écriture théâtrale reposant sur un dispositif cinématographique en temps réel et à vue, en décors naturels ou au plateau. Cette forme performative, en rupture avec l’esthétisme des premiers projets théâtraux du Collectif, injecte dans le temps du cinéma le présent du théâtre, créant ainsi une seule image, éphémère et unique. Comme le Dogme95 établissait au cinéma les règles de nouveaux enjeux créatifs, la performance filmique s’identifie par une charte qui démarque son territoire de création :

1. la performance filmique est une forme théâtrale, performative et cinématographique
2. la performance filmique doit être tournée, montée et réalisée en temps réel sous les yeux du public
3. la musique et le son doivent être mixés en temps réel
4. la performance filmique peut se tourner en décors naturels ou sur un plateau de théâtre, de tournage
5. la performance filmique doit être issue d’un texte théâtral ou d’une adaptation libre d’un texte théâtral
6. les images préenregistrées ne doivent pas dépasser 5 minutes et sont uniquement utilisées pour des raisons pratiques à la performance filmique
7. le temps du film correspond au temps du tournage

À la suite de Patio et Park, Nobody d’après Falk Richter, créée dans le cadre du Printemps des Comédiens en 2013 in situ et en 2015 au plateau, signe la naissance de la performance filmique qui, dès lors, ne cesse de se dépasser. Dès Festen, s’émancipant des principes de la performance filmique, MxM pose les enjeux d’un processus créatif qui sans cesse s’observe, s’interroge, se réinvente. 

laboratoire nomade d’arts scéniques

Au cœur de cette constellation se place la transmission, à travers des rencontres, workshops et à travers le laboratoire nomade d’arts scéniques. Initié en 2007 à Nantes avec le Pôle FAS – pôle de Formation aux Arts de la Scène, ce réseau de transmission transdisciplinaire s’établit sur une zone géographique entre les membres du Collectif, une structure de diffusion et les formations supérieures en art dramatique, image, technologie ou sciences. Un dispositif durable pour un territoire et novateur pour l’enseignement car en prise réelle avec l’approche pluridisciplinaire répandue aujourd’hui dans les arts de la scène. Le laboratoire s’est déjà établi à Poitiers, Nantes, Montpellier, Cavaillon, Cannes, Saint-Étienne, Paris, Bucarest et se développe à New-York avec le PIMA @ Brooklyn College (Performance Interactiv Media Arts). Le Collectif poursuit son engagement en accueillant de jeunes compagnies au sein d’une pépinière informelle artistique, administrative et technique. MxM accompagne ainsi la compagnie Carte Blanche, La Raffinerie – Marion Pellissier, le Collectif La Carte Blanche, Le 5ème Quart – Katia Ferreira. 

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