« Il n’y aura plus d’hiver », j’ai dit. Et cette phrase a recouvert comme un givre fin, presqu’imperceptible, ma peau, mes gestes, mes mots. Cette phrase, tu ne l’as pas entendue, tu observais un rouge-gorge arrimé à la branche du plus haut platane qui borde le ruisseau menant à l’estuaire, tu écoutais le cri d’un rapace sans parvenir à déceler si c’était une alerte ou une menace.
L’automne était avancé et je remarquai les premiers ajoncs jaunir la lande et le sous-bois qui avait tant roussi ces derniers jours. Tout devenait ocre, même le voile du ciel dont le bleu n’avait pas percé depuis des semaines.
J’ai continué à marcher à tes côtés, loin de toi, prise dans les mailles encore lâches de ces mots qui ont surgi. Je ne me débattais pas, les cordes de ce filet et l’éventualité qu’elles recelaient étaient tressées de plumes. Comment se pourrait-il qu’il n’y ait pas d’autre hiver ?
extrait d’un texte écrit pour les feuilles – revue suspensive 2, co-élaborée avec l’artiste Chloé Moglia
la revue sur le site de la compagnie Rhizome, à commander sur lespressesdureel.com
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