Albert Ibokwe Khoza (chorégraphié par Robyn Orlin), Qudus Onikeku et Radhouane El Meddeb sont des hommes en mouvement. Nés en Afrique du Sud, au Nigéria et en Tunisie, leurs corps animés par l’Histoire s’émancipent par le geste artistique. Avec trois soli chocs et le concert-DJ set Marathon, entrons dans leur danse !
Ils dansent. Et leur geste témoigne d’un mouvement profond qui a pour origine leur culture et pour horizon un devenir soi. Ni rejet d’un héritage, ni refus d’un folklore – qui confèrent aux hommes dansant un rôle déterminé – leur art est l’affirmation d’une individualité éprise de liberté et la reconnaissance d’identités mouvantes. Chacun de leurs pas est un changement.
Dans le solo créé par Robyn Orlin, Albert Silindokuhle Ibokwe Khoza danse ce qu’il est, un authentique prêtre-guérisseur et un artiste gay citoyen du monde, transgressant une idée figée de l’homme Sud-Africain.
Le performeur Nigérian Qudus Onikeku nous entraîne dans la dispersion des danses noires d’Afrique, du Brésil et des États-Unis, au rythme de l’afrobeat frondeur de Fela Kuti.
Le Franco-Tunisien Radhouane El Meddeb signe une confession dansée à son père disparu.
Et pour clore ce triptyque, un dancefloor en transe avec Marathon : l’Ensemble Links, Fabrizio Rat et Heptatonia nous font danser sur les pièces percussives de Steve Reich composées à son retour d’Afrique, une création sur piano préparé et boîte électronique (La Machina) et un DJ set afrobeat.
À mon père,
une dernière danse et un premier baiser
Radhouane El Meddeb
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C’est un Arabe qui danse. Qui adresse à son père mort avant un adieu, la confession de ses secrets et la révolution qui a eu lieu. Ultime confidence, prémices d’un intime. Avec le plâtre pour matériau, Les Variations Goldberg de Bach pour musique, le corps pour verbe, Radhouane El Meddeb danse ce qu’il n’a pu dire, en vérité.
Des nappes blanchâtres sur un sol noir, une sculpture animale mystérieuse. Et cet homme qui danse, Radhouane El Meddeb. À son père, il confie son énigme, murmure sa peine et hurle son désarroi. Il lui raconte ce qui a eu lieu depuis cinq ans, depuis sa mort : leprintemps tunisien, l’espoir d’un renouveau et l’angoisse du chaos. Son corps écrit des phrases suspendues, hésitations et déclamations, sur les intensités d’une musique, vive et pleine comme une étreinte.
Il y a eu un rêve une nuit, où il est face à son père. Il y a eu une vidéo un jour, où il voit Steve Paxton, chorégraphe mythique américain, danser seul sur Les Variations Goldberg, partition pianistique de Johann-Sebastian Bach. Une déflagration : cette confidence intime sera ainsi ce dernier baiser qui lui a été défendu, cette danse qui aurait pu être la première partagée avec son père.
Figure singulière de la danse contemporaine, Radhouane El Meddeb crée des œuvres délicates et renversantes. De son solo Je danse et je vous en donne à bouffer à l’une de ses plus récentes pièces de groupe, Au temps où les Arabes dansaient – accueillis à la Ferme en 2011 et 2014 – Radhouane El Meddeb ne cesse de délier les fils de sa culture pour les tisser à la trame du monde. En collaboration avec Malek Gnaoui, jeune céramiste Tunisien œuvrant sur l’idée du sacrifice, le chorégraphe crée ce solo pour le Festival Montpellier Danse 2016.
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extraits